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Othello® est un jeu de stratégie
à deux joueurs : Noir et Blanc. Il se joue sur un plateau unicolore de 64 cases,
8 sur 8, appelé othellier. Ces joueurs disposent de 64 pions bicolores, noirs
d'un côté et blancs de l'autre. Par commodité, chaque joueur a devant lui 32
pions mais ils ne lui appartiennent pas et il doit en donner à son adversaire si
celui-ci n'en a plus. Un pion est noir si sa face noire est visible et blanc si
sa face blanche est sur le dessus.
la position de départ
Noir commence toujours et les deux adversaires jouent ensuite à tour de rôle.
fig. 2 :
Noir joue f5 ...
fig. 3 :
et retourne e5 !
Le premier coup de Noir est, par exemple, en f5 (voir figure 2). En jouant f5, il encadre le pion blanc e5 entre le pion qu'il pose et un pion noir déjà présent (ici d5) ; il retourne alors ce pion (voir figure 3). Noir aurait aussi pu jouer en e6, c4 ou d3. Notons que ces quatre coups de Noir sont parfaitement symétriques ; Noir n'a donc pas à réfléchir pour choisir son premier coup.
fig. 4 :
Blanc f4, f6 ou d6
fig. 5 :
si Blanc joue d6
C'est maintenant à Blanc de jouer. Il a trois coups possibles (voir figure 4). En effet, il est obligatoire de retourner au moins un pion adverse à chaque coup. Blanc peut donc jouer en f4, f6 ou en d6. On peut encadrer des pions adverses dans les huit directions. Par ailleurs, dans chaque direction, plusieurs pions peuvent être encadrés (voir figures 6 et 7). On doit alors tous les retourner.
fig. 6 :
Noir joue c6 ...
fig. 7 :
et le résultat
Le joueur Noir a joué en c6. Il retourne alors les pions b6 (encadré grâce à
a6), b5 (encadré grâce à a4), d7 (encadré grâce à e8), c5 et c4 (encadrés grâce
à c3). Notons que ni d6, ni e6 ne sont retournés à cause de la case vide en
f6.
Il n'y a pas de réaction en chaîne : les pions retournés ne peuvent pas
servir à en retourner d'autres lors du même tour de jeu. Ainsi, sur la figure 8,
Noir joue en a5 :
fig. 8 :
Noir joue a5...
fig. 9 :
c4 reste Blanc
il retourne b5 et c5 qui sont encadrés. Bien que c4 soit alors encadré, il
n'est pas retourné (voir figure 9). En effet, il n'est pas encadré entre le pion
que l'on vient de poser et un autre pion. Si, à votre tour de jeu, vous ne
pouvez pas poser un pion en retournant un pion adverse suivant les règles, vous
devez passer votre tour et c'est à votre adversaire de jouer. Mais si un
retournement est possible, vous ne pouvez vous y soustraire.
fig. 10
: la partie est finie !
Aucun des deux joueurs ne peut jouer en b1 puisque aucun retournement n'est
possible. On compte les pions pour déterminer le score. Les cases vides sont
données au vainqueur.
Ici, Blanc a 29 pions, Noir 34 et il y a une case vide.
Donc Noir gagne par 35 à 29.
diag. 1.
Noir doit jouer
Mais Noir va jouer tous les coups restants (en commençant indifféremment par
a1 ou h8, puisque Blanc passera chaque fois son tour) et l'emportera
40-24.
Avoir beaucoup de pions, même à ce stade de la partie, n'est donc pas
suffisant pour assurer la victoire. Il est plus important de détenir des pions
"définitifs" qui ne pourront plus être retournés, quoi qu'il arrive, jusqu'à la
fin de la partie.
diag. 2
: pions définitifs
Il ne faut donc pas donner inconsidérément des coins à votre adversaire. Le moyen le plus simple d'éviter de perdre un coin est de ne pas jouer sur les cases adjacentes au coin, que l'on appelle cases X pour celles qui sont sur les diagonales a1-h8 et a8-h1 et cases C pour celles qui sont sur les bords.
Ces cases sont susceptibles de donner, à terme, un coin à l'adversaire. Evidemment, il y a des situations où il est intéressant de jouer ces cases, mais ce conseil vous évitera de perdre inutilement des coins, ce qui arrive à Noir sur le diagramme 4.
diag. 4
: Blanc doit jouer
Noir a joué la case X en b7 croyant que Blanc ne pourrait jouer le coin a8
puisqu'il n'y avait pas de pion blanc sur la diagonale. Mais Blanc peut jouer
d8, qui retourne (entre autres) d5 et lui permet de prendre le coin a8 au coup
suivant.
Jouer la case C b1 était aussi une erreur pour Noir. En effet, Blanc
va s'empresser de jouer en c1, menaçant de prendre le coin a1. Pour éloigner
cette perspective, Noir peut répondre d1, mais Blanc gagne quand même le coin
a1, grâce au pion e1.
On peut donc penser que c'est une bonne stratégie de prendre les bords en espérant que l'adversaire sera forcé de donner un coin tôt ou tard. En fait, on va voir que ce n'est pas toujours une bonne solution. Le diagramme 5 montre une situation typique où la prise de bords se retourne contre celui qui les tient.
diag. 5
: Noir doit jouer
Blanc a beaucoup de bords et surtout, il a un "bord de cinq" sur la colonne
h. Noir peut exploiter cette faiblesse en jouant la case g2. Certes, il perd
alors d'emblée un coin si Blanc se précipite pour prendre h1, mais Noir peut
alors s'insérer en h2 et gagner h8 au coup suivant (puis le coin a8).
Blanc
aura donc assuré 7 pions définitifs sur le bord nord, mais Noir en aura beaucoup
plus à l'est comme au sud et gagnera la partie.
diag. 6
: Noir doit jouer
Sur le diagramme 6, si Noir joue e8, Blanc n'a que deux coups possibles : b2,
qui donne à Noir le coin a1 ou g2 qui donne le coin h1. De plus, comme Blanc a
six pions sur le bord nord, dès que Noir prendra l'un des coins a1 ou h1, il
pourra prendre l'autre au coup suivant.
Noir a donc une très bonne mobilité,
sur le diagramme 6, car il a le choix entre de nombreux (bons) coups, tandis que
Blanc a peu de possibilités et tous ses coups sont médiocres : il a une très
mauvaise mobilité.
En général, plus vous placez de pions en frontière de la
position, c'est-à-dire adjacents à des cases vides, plus votre adversaire a de
coups et moins vous en avez. Dans cet exemple, les pions blancs des colonnes f
et g forment un mur en frontière, ce qui interdit à Blanc de jouer dans la
partie est de l'othellier (sauf g2) mais offre à Noir de nombreux coups dans
cette région.
En début et en milieu de partie, il est donc préférable d'avoir peu de pions.
Et surtout, il faut les placer au centre de la position et non en frontière. A
Othello®, l'encerclement est une mauvaise stratégie, celui qui le tente se
faisant très facilement prendre en tenaille.
diag. 7
: Noir doit jouer
Sur le diagramme 7, Noir doit jouer g8, (seul coup possible), Blanc répond h8
et gagne. Mais si c'était à Blanc de jouer, il placerait son pion sur l'une des
deux cases g8 ou h8, Noir jouerait l'autre et gagnerait !
Cet avantage peut
se révéler encore plus important si Blanc joue le dernier coup dans plusieurs
régions "paires" (avec un nombre pair de cases vides).
diag. 8
: Noir doit jouer
Jetez un coup d'oeil sur le diagramme 8 : il reste quatre trous de deux
cases. Noir sera dans l'obligation de jouer le premier dans chacun d'eux, car
Blanc répondra toujours dans le même trou, c'est-à-dire dans la même région
paire. La partie peut donc se terminer par la suite de coups g2 h1 g7 h8 b7 a8
b1 a1 et Blanc gagne 40-24.
La parité est donc a priori favorable à Blanc.
Toutefois, Noir a un moyen de la retourner à son avantage : si l'un des joueurs
passe une fois son tour, la parité s'inverse ; mais s'il y a un deuxième
"passe", on est ramené à la situation initiale. Noir a donc intérêt à ce qu'il y
ait un nombre impair de "passe" dans la partie.
Un moyen efficace de gagner la parité consiste à forcer Blanc à se créer un trou impair dans lequel il ne peut jouer. Dans la situation du diagramme 9, Blanc ne peut jouer en g8. Noir ne doit pas y jouer non plus ! En dehors de g8, il reste un nombre impair de cases vides quand Noir a le trait. Noir doit jouer de telle façon qu'après son coup, il ne reste (toujours si on excepte g8) que des trous pairs.
diag. 9
: Noir doit jouer
Ici, Noir va donc jouer g2. Blanc doit alors jouer le premier dans chacun des
deux trous au nord-ouest et au nord-est. La partie se termine par g2 h1 g1 a1
a2, Blanc passe, Noir porte le coup de grâce en g8 et gagne 37-27.
Et si Noir
avait commencé par g8 ? Blanc aurait répondu g1 (laissant deux trous pairs) et
aurait gagné 38-26 après g2, h1, a2, a1 !
En résumé, un joueur qui maximise son nombre de pions sera battu par un adversaire qui adopte une stratégie positionnelle, lequel perdra face à un joueur qui utilise la mobilité. Et si vous rencontrez ce dernier, vous devriez vaincre si vous savez aussi maîtriser la parité.
Le jeu d'Othello® sous sa forme actuelle a
été commercialisé pour la première fois au Japon en 1971. Toutefois, ce jeu est
très proche d'un jeu anglais vieux d'une centaine d'années, connu sous le nom de
Reversi. Qui a inventé le Reversi alors ? Il est difficile de répondre à cette
question. Deux gentlemen anglais, Lewis Waterman et John W. Mollett, se
disputent la paternité de ce jeu dans les années 1880 et se traitent
mutuellement d'escrocs. A la fin des années 1880, où le Reversi était
extrêmement populaire en Angleterre, les deux protagonistes avaient publié des
livrets de règles et soutenaient des fabricants rivaux.
Le plus vieil article
de presse sur le jeu connu à ce jour est paru dans " The Saturday Review" daté
du 21 août 1886. Le jeu est peu diffusé jusqu'à ce que l'auteur de jeux Walter
H. Peel écrive au printemps 1888 une série d'articles publiés dans "The Queen",
un magazine spécialisé dans "des sujets intéressant les dames". Plusieurs
livrets sont alors publiés mais le jeu perd de sa popularité au début du siècle.
On trouve tout au long du vingtième siècle des références au jeu de Reversi mais
celui-ci reste très confidentiel malgré une diffusion en Europe Centrale et aux
Etats-Unis.
Othello® a été inventé en 1971 au Japon par Goro Hasegawa. Son père,
professeur de littérature anglaise, suggéra le nom Othello® par analogie avec
les rebondissements de la pièce de Shakespeare. Il y a seulement deux
différences avec Reversi : une seule position de départ est autorisée, et on
peut emprunter des pions à l'adversaire s'il est obligé de passer.
Dès 1973,
le jeu devient un succès commercial au Japon et le premier championnat national
est organisé. En 1976 le jeu d'Othello® envahit les Etats-Unis et l'Angleterre.
Parallèlement àà ce succès, des fédérations nationales se créent ; le premier
championnat du monde est ainsi organisé en 1977 sur une base annuelle. En 1980,
pour la première fois, le titre n'est pas remporté par un Japonais : le joueur
américain Jonathan Cerf bat le champion asiatique Takuya Mimura en finale.
Le
jeu d'Othello® apparaît en France à la fin des années 70 tandis que le premier
championnat de France est organisé en 1980.
En 1983, la Fédération Française
d'Othello® est créée et va monter en puissance grâce, notamment, au journal
"Jeux & Stratégie" qui fait du jeu un de ses "Grands Classiques". En 1984,
Paul Ralle, alors âgé de 16 ans, devient le premier Français (et le deuxième
non-Japonais) à remporter le titre suprême. La seconde moitié des années 80 voit
un développement lent mais constant de la pratique du jeu. Toujours parmi les
meilleurs au niveau mondial, l'équipe de France remporte en 1990 le titre par
équipe (performance qu'elle rééditera en 1994 et 1998), tandis que Marc Tastet
devient en 1992 le deuxième champion du monde français.
La F.F.O. édite un livret d'initiation qui regroupe en une vingtaine de pages les premiers principes à connaître pour mieux apprécier la stratégie du jeu. Ecrit dans un souci de pédagogie, ce livret permet à tout débutant de faire ses premiers pas autour d'un othellier. Disponible pour un prix modique, ce livret est envoyé gratuitement à tout nouvel adhérent. Il contient les bases indispensables pour qui veut dépasser le stade du jeu au hasard et comprendre la stratégie d'Othello.
Tous les trois mois, la F.F.O. édite une revue d'Othello, Fforum, qui est envoyée à tous les adhérents à jour de cotisation. Cette revue couvre l'actualité du jeu à travers ses pages magazines et ses échos d'Othello® : comptes rendus de tournois, classements, sélection de parties... Elle contient dans chaque numéro un article d'initiation, des problèmes pour débutants, des articles d'approfondissement stratégiques ou tactiques ainsi que des parties commentées. L'agenda des tournois, les différents classements fédéraux ainsi que les adresses et horaires des clubs ne sont pas oubliés.
Tout au long de l'année, des animateurs de la F.F.O. font profiter tous les
publics de leur expérience stratégique ou tout simplement leur apprennent les
règles du jeu.
La F.F.O. participe à plusieurs festivals de jeux dont le
Festival International des Jeux de Cannes et le Salon des Jeux de Paris, mais
également à diverses manifestations locales dans des ludothèques et des centres
de loisirs.
Pour avoir toujours un adversaire en face de soi, le mieux est de faire partie d'un club d'Othello®. Dans le magazine Fforum est donnée la liste des clubs, mais rien ne vous empêche d'en fonder un vous-même. Pour vous aider, la F.F.O. peut vous envoyer la liste des joueurs de votre région et des affiches à apposer dans des boutiques de jeu. Elle peut vous fournir de la documentation ainsi que des jeux. Ce club peut également organiser des tournois, la F.F.O. fournissant alors jeux et pendules ainsi qu'un programme d'appariements et les documents nécessaires. C'est le meilleur moyen de voir son nom dans le classement !
La F.F.O. calcule et publie le classement des joueurs et des programmes en fonction des résultats des tournois. Un Grand Prix de France récompense les performances en attribuant des points suivant le classement final et un Grand Prix de France de catégorie B distingue les joueurs non-titrés et permet à ceux-ci de se qualifier pour la finale du championnat de France.
Depuis 1990, la F.F.O. organise un stage d'été d'Othello® unique au monde. Ce stage réunit une vingtaine de joueurs qui se retrouvent au mois d'août pour passer une semaine ensemble à se perfectionner. Toujours situé dans un cadre exceptionnel (Ardèche, Côte-d'Azur, Tignes, Font-Romeu...), il nous permet d'allier concentration ludique et détente sportive puisque les activités annexes ne sont pas oubliées (volley, VTT, pétanque, tennis, billard, piscine, randonnées...). Des joueurs de haut niveau français et étrangers font partager leur savoir au travers de cours, commentaires, tournois et parties amicales tout au long des journées... et des nuits !
Le jeu d'Othello® se prête bien à une déclinaison informatique. Les règles
sont simples à programmer et le jeu est souvent utilisé comme projet dans les
cours de programmation. Il est cependant difficile d'écrire un programme de très
haut niveau et pour aider les programmeurs en herbe, la F.F.O. a publié un
numéro spécial de Fforum consacré à l'aspect informatique du jeu. Elle organise
régulièrement des tournois de programmes et les accueille bien volontiers dans
ses tournois open. Pour les joueurs disposant d'un micro-ordinateur, elle
propose des programmes de jeu d'un excellent niveau qui savent rester
pédagogiques. Ceux-ci possèdent en plus des fonctionnalités qui peuvent
intéresser les joueurs réguliers : base de données de parties, analyse de
finales, répertoire d'ouvertures...